NEAVUS
Neavus c’est une tâche de vin, une marque de
naissance, une altération de surface. L’histoire de la peinture est aussi une
histoire de peau, ne parle-t-on pas de la peau de la peinture ? Concernant sa
matérialité, son dépôt, ses rebuts une fois que le liquide a séché. Dans son
application, avec ses outils modernes, cela vient encore rappeler le caractère
épidermique du médium. Le rouleau en fourrure de mouton, les poils de chèvre du
pinceau, et enfin le support avec la préparation de sa toile en colle de peau
de lapin, de vache ou de cochon.
Le dispositif de marquage Neavus installé au sein de la Cité
de La Bricarde est issu d’un projet plus vaste. Avec Pupluna*,
j’envisageais de recouvrir, à la peinture époxy photoluminescente,
l’encadrement des toits des barres d’immeubles de la Z.U.P. Le
dispositif représentait à lui seul une vue d’ensemble de la Cité, à l’échelle.
Si la représentation d’une vision globale était manifeste, en revanche son rayonnement
comme celui des lucioles restait incertain. Refusant de faire une proposition
interventionniste d’une œuvre dans l’espace public, j’orientais mon approche vers
ce qui apparaît mais n’est pas toujours visible. Dans une forme qui échappe à
la perspective, un langage tenant à la fois du couronnement, un sommet architectural
ou son envers, sa base.
La modulation Neavus est une marque, un enracinement, qui
apparaît à la surface de la peau de la Cité, une tâche de naissance. Une chose
qui ne peut pas se dissimuler parce qu’elle est indélébile, mais qui peut être
recouverte par ailleurs, et sans un subterfuge visuel, même si elle vient s’inscrit
en négatif du reste des architectures.
Appelée « le carré » par ses habitants, cette petite place d’environ 400 m² est
un espace commun que tout le monde apprécie dans les lieux. C'est un
terrain de jeux, un lieu de passage, un endroit de rencontre et de discussion. Un
bassin sans eau que l’on traverse, que l’on contourne et où l’on se pose.
Chaque personne a son heure, chaque génération a son occupation, et chaque chat
son rayon de soleil.
C’est à travers ce cadre que j’ai pris soin de souligner cette forme. Suivant
l’idée du projet de départ, ne pas produire d’objet, trouver les contours d’une
figure, dans la logique d’un geste déjà esquissé. L’empreinte en question
commence au niveau zéro, la ligne de terre, et se révèle structurellement en
négatif, en suivant la pente et en descendant les marches. Le volume se dessine
dans un glissement, le passage de trois paliers, à la fois vers le fond et vers
le centre du motif - la forme qui supplée à la couleur apparaît à travers un
marquage signalétique.
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* Peuple de l'étrusque Pupluna
1) Lien : NEAVUS pictures 2) Lien : PUPLUNA project