1988

































































Les ambitions de Richard Baquié pour L'Aventure (café du matin)
sont marquées par la pluralité des voix du dedans, le chant des
sirènes, l’appel du large et du Plus loin, plus loin... Aussi son
passager devait-il y retrouver des mots, des images, du mouvement,
de l’espace et de la réflexivité.

Traduisant ici plus qu’ailleurs son attachement à la cité phocéenne,
notamment dans sa manière de nous faire percevoir une aura de la ville,
le déplacement et la vérification semblaient être le leitmotiv de son oeuvre.

La définissant lui-même d’ambiguë à cause de sa linéarité et 
de son système interrelationnel, on peut se demander si dans sa
formulation ultime l’oeuvre n’est pas à la fois un début et
une fin, une boucle! Ou bien s’agit-il d’un collage?
- Une mémoire inconnue fuit vers des époques de plus en plus 
lointaine... et tout à l’air réglé du dehors infailliblement.* 

Mais quelque soit l’ambiguïté, si l'on se concentre sur la forme
même de la projection, cela nous amène dans un présent parallèle.
Cela relève de la puissante plasticité qui nous amène à nous identifier,
comme dans une expérience cinématographique, à un nouveau paradigme. 
C'est dans cette sensation de liberté médiée par un renoncement à
nous-même, qu'il nous est permis une évasion dans l'intensité du moment.

- «La vision globale, l’approche, l’élément et la mémoire,
procédés traditionnels de la sculpture permettent de vivre 
le lieu par la mise en évidence du vide (non pas comme absence), 
mais comme contenant un certain nombre d’énergies produites.»

En définitive rien ne manque aux intentions de l’Aventure pour s'articuler
ailleurs que dans un présent instantané. Le regard introspectif de ses supports
comme formes brutes sur lesquelles sont installées les directions à suivre,
ne sont en fait que la transcription de formes inertes, dont chacune est
en stationnement, attendant le moment venu son passage entre la lentille
et l'ampoule, entre la monotonie d'un décor et l'insoussiance du Road movie .

1988 est la forme anachronique de L'aventure. Elle précède
la post-production de l'oeuvre de l'artiste, tout en exprimant la fixation
du sens, celle de la fugue. L'impossible identification dans laquelle on est
face au vide, sauf à toucher l'écran où défilent les images...
Façon subtile de palper notre propre réalité.

*extrait de la voix-off du film Méditerranée de Jean-Daniel Pollet, 1963



Plein-champ
L’oeuvre est dans sa forme résiduelle.
Elle est soulignée à l’endroit de ces
groupes de sculpture, et se fragmente
en trois parties. La reconstitution
du dispositif, de son ensemble, est
interceptée dans le temps. Il vient
rappeler cette mise en évidence du
vide, là où la sculpture d’hier en était
certainement une vision. Le geste initial
ainsi traduit devient aplats, et dans
sa linéarité la formulation de La Zone (Stalker):
lieu, passage et espace de projection du réel.




Hors-champ
Les formes archaïques de L'aventure et l’intervention
in situ du dispositif 1988 sont l’absorption du presque tout
de la projection, à une perception du juste rien des valeurs
du monde. Choses comprisent dans la sensibilité d’une ivresse
de la sobriété et d'un état de chose sans artifice.
Laissant à l’auteur cette topique dont lui seul
détient les images et leurs secrets. Cet hommage posthume
en forme de survol au dessus des eaux de Malpassé, se traduit
avec les mots du sculpteur, détachés de toutes tensions,
et en songeant à plus loin encore : « - Les signes et
les éléments sont des repères ou des limites. L’orientation globale 
vers le sud... mystifie la direction.»*

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