Notes,
Rep. 1 :
1. Sur le rapport entre la réception d’Althusser et la Nouvelle Gauche au Japon, voir l’article de Kenta Ohji, « Premières réceptions d’Althusser au Japon », La Pensée, n° 382 : « Althusser, 25 ans après », avril juin 2015. Au début des années 1960, Wataru Hiromatsu, philosophe marxiste et partisan de la Nouvelle Gauche, avait déjà repéré, avant Althusser, une « coupure » entre les Manuscrits de 1844 (centrés sur une théorie de l’aliénation) et L’Idéologie allemande (ouvrant sur une théorie des rapports sociaux et reposant en de nouveaux termes la critique de la « chosification »), à travers une étude détaillée du livre de Marx et Engels de 1845. C’est dans le sillage du travail de Hiromatsu que la théorie althussérienne a été reçue par les partisans de la Nouvelle Gauche de l’époque. Voir Hiromatsu Wataru, « Marukusu-syugi to jiko-sogai-ron » [Marxisme et théorie d’aliénation], revue Risô [Idéal], septembre 1963 ; Hiromatsu Wataru, « Doitsu ideorogî hensyu no mondaiten » [Problèmes de la rédaction de L’Idéologie allemande], revue Yubutsuron kenkyu [Études matérialistes], mars 1965 ; et Hiromatsu Wataru (éd.), Marx Karl et Engels Friedrich, Die deutsche Ideologie (édition bilingue allemand-japonais avec critique du texte), Tokyo, Kawade Shobô, 1974. Comparer par exemple avec Althusser Louis, « Aujourd’hui » (mars 1965), in Pour Marx (1965), Paris, La Découverte, 1996.
Rep. 2 :
2. Karatani Kojin, Marukusu sono kanôsei no chûshin [Marx : le centre de possibilité], Tokyo, Kôdan-sha, 1978, rééd., 1990, pp. 25-26. Une traduction anglaise est en préparation : Marx : Towards the Center of Possibility, Walker Gavin (éd.), Londres, Verso, à paraître en mars 2020.
3. La notion karatanienne de « centre de possibilité » est inspirée par Paul Valéry : voir L’Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, Paris, Gallimard, 1992, p. 10 : « Ainsi, au lieu de trouver en moi ces conditions, ces obstacles comparables à des forces extérieures, qui permettent que l’on avance contre son premier mouvement, je m’y heurtais à des chicanes mal disposées ; et je me rendais à plaisir les choses plus difficiles qu’il eût dû sembler à de si jeunes regards qu’elles le fussent. Et je ne voyais de l’autre côté que velléités, possibilités, facilité dégoûtante : toute une richesse involontaire, vaine comme celle des rêves, remuant et mêlant l’infini des choses usées. »
Rep. 4 :
5. Ibidem, pp. 34-35.
6. Ibidem, p. 32.
7. Ibidem, pp. 37-38.
Rep. 5 :
8. Althusser Louis, « Sur Marx et Freud », in Écrits sur la psychanalyse, Paris, Stock/IMEC, 1993, p. 241
Rep. 6 :
9. Marx Karl, Das Kapital, Bd. 1, Marx-Engels Werke, Bd. 23, Berlin, Dietz, 1962, p. 88 ; Le Capital, Livre I, Paris, Puf, 1993, pp. 84-85 (trad. modifiée) ; cité et souligné par Karatani, Marx : le centre de possibilité, op. cit., p. 39.
Rep. 7 :
10. Karatani Kojin, Marx : le centre de possibilité, op. cit., pp. 39-40.
Rep. 8 :
11. Ibidem, pp. 54-55.
12. Ibidem, p. 56, p. 63.
Rep. 9 :
13. Ibidem, p. 67.
14. Ibidem, p. 69.
Rep. 10 :
15. Ibidem, pp. 74-75.
Rep. 11 :
16. Ibidem, p. 78.
17. Ibidem, p. 79.
Rep. 12 :
18. Karatani Kojin, Transcritique on Kant and Marx, Massachusetts, MIT Press, 2003, pp. 44-53. Voir aussi l’analyse de ce livre par Slavoj
Žižek, « The Parallax View », New Left Review, vol. 25, janvier février 2004.
19. Karatani Kojin, Transcritique on Kant and Marx, op. cit., p. 281.
Rep. 13:
20. Ibidem, p. 298.
21. Ibidem, p. 288.
Rep. 14 :
22. Ibidem, p. 301.
23. Sur ce point, voir Karatani Kojin, « Introduction à la théorie des modes d’échange », URL : http://www.kojinkaratani.com/en/pdf/ Introduction_a_la_theorie_des_modes_dechange.pdf. C’est un texte introductif pour son dernier ouvrage intitulé Structure de l’histoire du monde (Paris, CNRS, 2018). « La démarche de Louis Althusser, dans les années 1960 en France, a été parallèle [à celle de l’École de Francfort]. Il a introduit la psychanalyse de Freud (via Lacan) et a tenté de résoudre les difficultés qu’avait connues le matérialisme historique jusqu’alors. Freud avait appelé “surdétermination” le fait que la convergence de plusieurs causes produit tel ou tel résultat. De même, Althusser a expliqué que les divers modes de production qui se trouvent à la base (dernière instance) “surdéterminent” la superstructure idéale. Mais un tel “déterminisme” est en fait un raisonnement spécieux par lequel il tente d’affirmer l’autonomie relative de la superstructure en niant, en réalité, le déterminisme économique. De plus, pour ce qui est de l’État également, Althusser a insisté sur le fait qu’il n’est pas un simple dispositif violent de la classe dominante, mais un dispositif idéologique qui amène les personnes à obéir spontanément. Il y a là aussi quelque chose d’autonome par rapport aux modes de production de la base économique. Ces théories ne nient pas le fait que la superstructure politico-idéologique est déterminée par la base économique. Au contraire, cette idée visait à plaider pour la détermination par la base économique. Mais plus on allait ainsi, plus on finissait, en réalité, par en minimiser l’importance. Et cette démarche a engendré finalement une indifférence vis-à-vis du marxisme. »
24. Althusser Louis, « Contradiction et surdétermination », in Pour Marx, op. cit., p. 91. Sur ce point, voir aussi notre livre : Pouvoir et résistance : Foucault, Deleuze, Derrida, Althusser, Paris, L’Harmattan, 2007, chap. 6.
25. Althusser Louis, « Contradiction et surdétermination », in Pour Marx, op. cit., p. 113.
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[I am made of words]
MARXISTE DE LA « PARALLAXE » :
AU-DELÀ DU STRUCTURALISME
Par Yoshiyuki SATO
Dans Actuel Marx 2020/1 n° 67, pages 101 à 114
Éditions Presses Universitaires de France
1)
Les deux ouvrages majeurs par lesquels Louis Althusser se fit connaître dans le champ du marxisme international furent reçus précocement au Japon : Pour Marx y fut traduit dès 1968, et Lire le Capital en 1974. La traduction et la réception de ces oeuvres furent principalement le fait des partisans de la Nouvelle Gauche (Shin-sayoku : gauche extérieure au parti et anti-stalinienne), à laquelle appartint également un philosophe représentatif du Japon contemporain, Kojin Karatani, qui fera l’objet de cet article1. Karatani publie en 1974 Marx : le centre de possibilité, et cet ouvrage nous intéressera dans son rapport avec la pensée althussérienne, puisqu’il lit Le Capital en tant que critique de la métaphysique, comme Althusser l’avait fait dans Pour Marx et dans Lire le Capital. L’originalité de ce texte provient de sa lecture structuraliste et freudienne du Capital ; en ce sens, sa méthode est très proche de celle d’Althusser, et nous ferons ici l’hypothèse que ce dernier eut certainement sur lui une influence effective, même s’il ne cite jamais Althusser dans ce texte. Ce livre n’est toutefois pas seulement une lecture structuraliste du Capital. L’analyse de Karatani découvre plusieurs systèmes différenciés dans la formation sociale capitaliste : le capitalisme est composé non pas d’un seul système de rapport synchronique, mais de plusieurs systèmes différenciés, ce qui réalise l’auto-prolifération du capital. Cette théorie qu’il appellera plus tard celle de la « parallaxe » a délivré, dans le Japon des années 1970, la théorie marxiste de la thématique de l’aliénation et de la chosification. Et elle sera reformulée, dans l’ouvrage Transcritique on Kant and Marx, qui paraît au Japon en 2001, et qui sera traduit en anglais deux ans plus tard, comme une stratégie contre le capitalisme. Dans cet article, nous analyserons notamment Marx : le centre de possibilité de Karatani dans son rapport avec la théorie althussérienne et, plus généralement, le structuralisme pour évaluer ce que la théorie karatanienne de la « parallaxe » a apporté dans la pensée marxiste.
2)
La manière karatanienne de la lecture de Marx dans Marx : le centre de possibilité se résume en deux stratégies : premièrement, Karatani lit Le Capital de Marx du point de vue de la psychanalyse freudienne ; deuxièmement, il lit Le Capital en se référant aux théories structuralistes.
Ces deux stratégies correspondent exactement à celles d’Althusser et des althussériens dans Lire le Capital. Tournons-nous d’abord vers la première stratégie. La lecture de Marx du point de vue freudien concerne la notion karatanienne de « centre de possibilité » du texte. Karatani écrit ainsi :
"La richesse de la théorie de forme-valeur consiste à faire
venir « ce qui n’est pas encore pensé » dans cette théorie.
Tous les écrivains ont leur propre système dans la mesure
où ils écrivent dans une langue et une logique. Cependant,
la richesse d’une oeuvre consiste à avoir, à l’intérieur du
système que domine l’écrivain de manière consciente, un
système qu’il « ne domine pas ». C’est ce que Marx a écrit
dans une lettre adressée à Lassalle. Pour moi, « lire » Marx
est lire « ce qui n’est pas encore pensé » dans la théorie de
forme-valeur2."
Analysant la théorie de forme-valeur du Capital, Karatani essaie de lire « ce qui n’est pas encore pensé » dans cette théorie. Il tente ainsi de lire « l’inconscient » du texte dans Le Capital de Marx. C’est cet « inconscient» du texte qu’il appelle « le centre de possibilité » du texte. Cette lecture psychanalytique karatanienne est apparemment très proche de la « lecture symptômale » althussérienne. Mais alors que celle-ci est un mode de lecture qui, en lisant le texte de manière extrêmement rigide, dévoile des contradictions qui y sont inscrites et finalement le déconstruit, la lecture karatanienne dégage plutôt les « possibilités3 » que le texte contient
3)
inconsciemment. En lisant « le centre de possibilité » du texte de Marx, Karatani déduira de la théorie de forme-valeur sa propre philosophie. La deuxième stratégie consiste à introduire le point de vue saussurien dans la lecture de Marx. Karatani replace la théorie de la forme-valeur dans le contexte de la linguistique saussurienne, et interprète le rapport entre les marchandises comme rapport entre les signifiants.
En essayant de dégager les conditions de la formation de la langue et de les clarifier comme objet de la linguistique, Saussure en exclut la vibration de l’air puisqu’elle est l’objet de la phonologie, tout comme Marx exclut les marchandises concrètes de l’objet de sa réflexion puisqu’elles sont l’objet de la « science des marchandises ». Par conséquent, Saussure trouve l’essence de la langue dans la combinaison du signifiant (phonème) et du signifié (concept). Cependant, ce n’est pas cela qui est nouveau. L’aspect novateur de sa théorie consiste plutôt dans sa manière de considérer la langue comme une valeur. Autrement dit, il s’agit de voir la langue comme un système de rapports différentiels : le sens n’existe pas a priori mais apparaît dans le système de différenciations, c’est-à-dire dans le rapport entre les mots.
Ce point de vue n’apparaît pas tant qu’on considère les mots pour eux-mêmes, séparés les uns des autres. La métaphysique conçoit que les sens existent a priori, mais ce faisant, elle oublie le fait qu’ils n’existent que dans le système de rapports différentiels.
Selon Marx, la distinction qu’établit l’économie classique entre la valeur d’usage et la valeur d’échange isole les marchandises. En réalité, leur distinction dérive du fait que les marchandises existent comme forme-valeur, à savoir comme rapports différentiels4.
La « métaphysique » signifie ici la pensée qui comprend le « sens » comme substance a priori. Karatani critique cette « métaphysique » de manière nietzschéenne. Saussure définit la langue comme « système de rapports différentiels », pour clarifier le fait que le « sens » n’existe pas a priori et n’apparaît qu’au sein d’un tel système. Chez Marx aussi, le système d’échange des marchandises constitue un système de rapports différentiels : la « valeur » n’existe pas a priori et apparaît dans le rapport différentiel entre les marchandises. En soulignant le rapport différentiel
4)
entre les signifiants (ou les marchandises), Karatani lit Le Capital comme une critique de la métaphysique du « sens » et de la « valeur ». Mais cette même démarche conduit Karatani à critiquer Marx qui recentrerait le « système de rapports différentiels » autour de l’argent : Marx écrit ainsi à propos de « forme-valeur développée ».
z marchandise A = u marchandise B
= v marchandise C
= w marchandise D
= x marchandise E
C’est une série de rapports relatifs entre toutes les marchandises
différentes ; il n’y existe pas de centre. Elle est,
pour ainsi dire, le « système de rapports sans centre ». […]
D’après Marx, il est inévitable qu’apparaisse la forme-valeur
générale ou la forme-argent, à savoir une marchandise
centrale. Cependant, on peut dire que cette explication est
renversée. Car la « forme-valeur générale ou développée »
n’est rien d’autre que le « système des rapports sans centre »
quand on décentre la forme-valeur générale ou la formeargent.
Saussure est arrivé à cette reconnaissance dans la
linguistique, et Lévi-Strauss l’a appliqué à l’anthropologie5.
Dans la théorie de la forme-valeur, la forme-valeur simple désigne le « rapport des valeurs d’échange différentes6 » comme « x marchandise A = y marchandise B ». Par contraste, la forme-valeur développée désigne le rapport dans lequel la « forme-équivalent » comme « z marchandise A » pose des marchandises différentes comme égales. Karatani l’appelle « système de rapports sans centre ». On ne doit pas centraliser « z marchandise A » comme « argent », puisqu’elle n’est qu’une forme-équivalent pour poser les autres marchandises comme égales. Karatani critique cette centralisation du système d’échange autour de l’argent. Le système d’échange des marchandises est le « système de rapports sans centre ». Si on hypostasie la forme-équivalent comme « argent », on fait revenir la métaphysique du « sens » et de la « valeur ». Dans le même sens, Karatani critique le « symbole zéro » — Lévi-Strauss l’a introduit pour stabiliser le « système de rapports sans centre » — comme le retour de la transcendance7.
Pour réfléchir à l’importance du refus de la transcendance ou le sens du « système de rapports sans centre », référons-nous à la lecture althussérienne de Marx. Dans Pour Marx (1965), Althusser a introduit la notion
5)
de « surdétermination », suivant laquelle la formation sociale n’est pas seulement déterminée par l’instance économique, mais aussi par les instances politique et juridique. En introduisant cette notion, Althusser a critiqué, pourrait-on dire, la « transcendance » de l’instance économique. Développant cette notion dans « Sur Freud et Marx » (1976), il a appelé la formation sociale marxienne « système d’instances sans centre » :
Certes, on ne peut s’empêcher de penser, de loin, à la
révolution introduite par Marx, lorsqu’il renonça au mythe
idéologique bourgeois qui pensait la nature de la société
comme un tout unifié et centré, pour parvenir à penser
toute formation sociale comme un système d’instances sans
centre. Freud, qui ne connaissait presque pas Marx, pensait
comme lui (bien qu’il n’eût rien en commun avec le sien)
son objet dans la figure spatiale d’une topique (qu’on pense
à la Préface de la Contribution de 1859), et d’une topique
sans centre, où les diverses instances n’ont d’autre unité que
l’unité de leur fonctionnement conflictuel, dans ce que Freud
appelle « l’appareil psychique », terme (appareil) qui n’est
pas non plus sans faire penser discrètement à Marx8.
De la même manière que Karatani, Althusser refuse le « centre » ou la transcendance qui détermine la formation sociale : les rapports sociaux sont « surdéterminés » par plusieurs instances. Althusser l’explique ici en comparaison avec la topique freudienne : les instances psychiques freudiennes n’ont pas de « centre » puisqu’il existe des « conflits » dynamiques entre elles ; de la même manière, les rapports sociaux marxiens constituent un « système d’instances sans centre » puisqu’ils sont surdéterminés et décentrés. La méthode de Karatani est très similaire à celle d’Althusser dans la mesure où l’un et l’autre définissent les rapports sociaux à partir du refus du centre transcendant. Et ces méthodes proviennent de leur lecture particulière de Marx.
Ce qui nous semble intéressant, c’est que, en hypostasiant la forme équivalent comme « argent », Marx ne perd pas la perspective que le système d’échange des marchandises soit un « système de rapports différentiels ». Dans Le Capital, il critique ainsi la théorie d’après laquelle les marchandises différentes sont équivalentes parce qu’elles contiennent la même sorte de travail :
6)
Ce n’est donc pas parce que les produits de leur travail vaudraient pour eux comme simples enveloppes matérielles d’un travail humain indifférencié que les hommes établissent des relations mutuelles de valeur entre ces choses.
C’est l’inverse. C’est en posant dans l’échange leurs divers produits comme égaux à titre de valeurs qu’ils posent leurs travaux différents comme égaux entre eux à titre de travail humain. Ils ne le savent pas, mais ils le font pratiquement.
La valeur ne porte donc pas écrit sur le front ce qu’elle est. La valeur transforme au contraire tout produit du travail en hiéroglyphe social. Par la suite, les hommes cherchent à déchiffrer le sens du hiéroglyphe, à percer le secret de leur propre produit social, car la détermination des objets d’usage comme valeurs est leur propre production sociale, au même titre que le langage. Certes, la découverte tardive par la science que les produits du travail, dans la mesure où ils sont valeurs, ne font qu’exprimer sous forme de choses un travail humain dépensé à les produire, est une découverte qui a fait date dans l’histoire du développement de l’humanité, mais elle n’a dissipé en rien l’apparence d’objet qu’ont les caractères sociaux du travail9.
D’après Marx, les marchandises différentes sont équivalentes parce que les hommes les posent dans l’échange comme égales, non pas parce qu’elles contiennent la même sorte de travail. La valeur des marchandises n’est pas déterminée seulement suivant le travail dépensé. La valeur du travail est socialement déterminée suivant le système d’échange des marchandises, c’est-à-dire dans le rapport avec d’autres travaux. Les hommes « ne le savent pas, mais ils le font pratiquement ». Karatani interprète ainsi cette citation de Marx :
Quand Marx écrit qu’« ils ne savent pas, mais ils le font
pratiquement », il évoque effectivement « l’inconscient » au
sens freudien du terme. Par exemple, d’après Jacques Lacan,
l’inconscient est structuré comme un langage. Dans le même
sens, la « forme-valeur », éliminée dans la forme-argent, est
le hiéroglyphe comme le dit Marx. Notre « conscient » ne
voit pas cette « forme-valeur » : il ne voit que le résultat
qu’elle produit. Comme le dit Freud, la prise de conscience
signifie la verbalisation. Ce dont nous avons conscience,
7)
c’est seulement ce qui prend la forme de l’argent ou de la
langue verbale. Les sciences économiques partent de ce
« conscient ». Autrement dit, elles présupposent l’argent.
Toutes les réflexions et les analyses, si rigoureuses soientelles,
prennent toujours le résultat pour la cause, si elles sont
faites dans le « conscient » déjà formé10.
Karatani introduit ici la notion freudienne d’inconscient dans la lecture de Marx. Si on réduit la forme-valeur à l’argent, on dissimule l’opération de « l’inconscient » dans l’échange (« ils ne savent pas, mais ils le font pratiquement ») : les hommes produisent inconsciemment la forme-valeur comme « rapports différentiels » en mettant dans l’échange les produits différents comme égaux. L’inconscient (forme-valeur) est un système de rapports entre les signifiants (à savoir entre les marchandises). Comme le dit Lacan, il est « structuré comme un langage » (et dans L’Interprétation des rêves, Freud compare l’inconscient au hiéroglyphe). Karatani éclaire le fait que c’est l’acte d’échange qui forme le système de valeur en tant que « système de rapports sans centre ». On retrouve ainsi sa critique, déjà mentionnée, de la métaphysique du « sens » et de la « valeur ».
Mais, quand on dit que l’échange forme le système de valeur comme « système de rapports sans centre », on présuppose la singularité du système de valeur ou de la structure. Par exemple, en se rappelant le concept de structure chez Lévi-Strauss (structure de l’échange des femmes) et chez Lacan (celle du « sujet de l’inconscient »), on pourrait comprendre que la plupart des structuralistes présupposent une seule structure universelle et non pas la structure composée de plusieurs systèmes différenciés de manière géographique ou temporelle (la seule exception est Saussure : sa théorie comporte la différence synchronique et diachronique entre les systèmes de langue). Par contraste, la particularité de la théorie karatanienne consiste à présupposer la structure composée de plusieurs systèmes ( de valeur) différenciés de manière géographique ou temporelle. De ce point de vue, il réfléchit sur le mécanisme essentiel du capitalisme, à savoir celui de la production de la plus-value et de l’auto-prolifération du capital :
Dans la forme-argent = la langue verbale = le conscient,
la forme-valeur est déjà dissimulée. Mais pourquoi cela est-il
important ? Parce qu’y est dissimulé le fait que ce caractère de
8)
l’argent est le fondement de la « transformation de l’argent
en capital ». Si l’argent n’est que l’indicateur de la valeur des
marchandises, le processus A (Argent)-M (Marchandise)-
A’(A+ΔA) n’existera pas. Autrement dit, si le propriétaire de
l’argent n’achète pas la marchandise et ne la vend pas, le
capital ne pourrait pas exister.
Cependant, là où l’argent existe, le capital marchand
existe toujours. Ce n’est pas parce que les hommes ont
toujours le caractère de rechercher le profit. Ce « caractère
humain » apparaît seulement quand existe le fondement
nécessaire sur lequel les échanges produisent le profit (plusvalue).
Il n’existe ni dans A-M, ni dans M-A’, la possibilité
de produire le profit. Si cela existe, c’est comme imposture.
Cependant, l’imposture momentanée ne peut pas être
le fondement durable de la production du capital ou de
l’auto-prolifération de l’argent. Alors, la clé pour résoudre
ce problème consiste en une séparation temporelle ou géographique
de A-M et de M-A’. Autrement dit, l’argent n’est
pas la simple mesure de valeur, mais, pour ainsi dire, un
texte opaque11.
Si A-M et M-A’ sont les échanges équivalents, comment la plus-value est-elle produite ? Ce qui produit la plus-value dans ce processus, c’est la « séparation temporelle ou géographique » de A-M et de M-A’. Autrement dit, le processus A-M-A’ est composé de deux systèmes différents (A-M et M-A’), et cette différence se matérialise dans un écart temporel ou spatial entre ces deux systèmes, que dissimule la forme-argent (« le texte opaque »)... De là, Karatani réfléchit sur le mécanisme de la production de la plus-value dans le capital marchand. Dans ce dernier, la différence entre les deux systèmes apparaît comme une différence géographique. Chaque région possède un système propre et indépendant de valeur qui est le « système de rapports différentiels ». Le capital marchand profite de la différence du prix dans les deux systèmes de valeur géographiquement séparés : il achète la marchandise moins cher dans une région et la vend plus cher dans une autre pour produire la plus-value. Si cette différence géographique n’existait pas, l’échange ne produirait pas la plus-value. Seulement quand les deux systèmes de valeur géographiquement séparés sont médiatisés, le capital marchand peut produire la plus-value en profitant de la différence de ces deux systèmes12.
9)
Ce mécanisme de la production de la plus-value n’est pas celui du passé. Même dans le capitalisme mondial d’aujourd’hui, la plus-value est produite en profitant de la différence géographique : les pays développés transfèrent leurs sièges de la production et du service aux pays sous-développés et diminuent leurs coûts. Comme le dit Karatani, « le capital industriel est formé dans l’élargissement de l’économie marchande et l’établissement du marché mondial. Nous devons donc considérer cette différence [géographique] comme un donné indispensable dans la réflexion sur le capital13 ». Alors, comment la production de la plus-value est-elle produite dans le capital industriel ? Karatani se demande ainsi :
Comme le dit Marx, si on présuppose le même système,
le processus de circulation A-M-A’ ne peut pas produire
la plus-value. Le capital industriel la produit suivant
le processus d’échange A-M---M’-A’. C’est le processus
dans lequel le capitaliste achète les moyens de production,
les matières brutes et les forces de travail, et vend le produit.
On peut supposer ici que les moyens de production
et les matières brutes sont des simples marchandises et
ne produisent pas la plus-value dans un même système.
La clé pour résoudre ce problème réside dans la force de
travail comme marchandise. Pour le dire simplement,
la plus-value est la différence entre la valeur de la force
productive qu’achète le capitaliste et la valeur du produit
que produisent les travailleurs (valeur dont on décompte
les moyens de production et les matières brutes). Mais,
comment cette différence est-elle produite14 ?
La plus-value dans le capital industriel est produite par la force de travail en tant que marchandise. Dans ce cas, la plus-value correspond à la « différence entre la valeur de la force de travail qu’achète le capitaliste et la valeur du produit que produisent les travailleurs ». Mais comment cette « différence » est-elle produite, sinon par « imposture » ? Il faut se rappeler que la valeur de la force de travail est déterminée, comme celle des autres marchandises, dans le « système de rapports différentiels » :
Suivant Marx, la valeur de la marchandise consiste en
« des heures de travail » nécessaires pour sa production,
10)
comme la valeur de la force de travail. Or, puisque les
heures sociales de travail sont données seulement comme
forme-argent, ce que veut dire Marx est seulement que la
force de travail se trouve dans le système de valeur qui la
rapporte aux autres marchandises et dans lequel toutes les
marchandises dépendent mutuellement les unes des autres.
Et quand Marx écrit que la valeur de la force de travail diffère
suivant « certains pays » et « certaines périodes », cela
signifie qu’on doit considérer cette valeur dans le système de
rapports synchroniques15.
La force de travail n’est pas isolée des autres marchandises. Puisqu’elle en partage le caractère « social », on doit considérer sa valeur dans « le système de rapports synchroniques », c’est-à-dire dans le système de rapports des marchandises. C’est cela qui éclaire les ressorts de la production de la plus-value dans le capital industriel. Dans Le Capital, Marx en donne les deux mécanismes : la production de la plus-value absolue et celle de la plus-value relative. La première produit la plus-value par la prolongation de la journée de travail. Cela veut dire que le capitaliste fait travailler les travailleurs plus qu’il ne les paie, et c’est pour ainsi dire l’« imposture ».
Par contraste, la deuxième s’appuie sur l’accroissement de la productivité du travail par le développement de la technologie. Karatani analyse ainsi ce dernier mécanisme :
L’accroissement de la productivité du travail diminue
potentiellement la valeur de la force de travail moyennant
soit l’accroissement de la division de travail ou de la
coopération, soit le développement de la technologie. On
peut le dire autrement : le capitaliste place les produits au
niveau du système actuel de valeur même s’ils sont produits
moins cher. La valeur de la force de travail ainsi que celle des
produits est relativement diminuée, mais cette diminution
n’apparaît pas tout de suite : le système actuel et le système
potentiel coexistent alors. Nous trouvons donc que le capital
industriel produit lui aussi la plus-value au moyen de la
différence entre deux systèmes différents.
Nous avons déjà expliqué que le capital marchand se
produit au moyen de la différence géographique entre deux
systèmes de valeur (cette différence n’est pas visible pour des
personnes appartenant à un des deux systèmes). En ce sens,
11)
nous pouvons dire que le capital industriel produit, dans un
système de valeur, un autre système temporellement différent
en accroissant la productivité du travail16.
Le capital industriel produit, dans un « système de rapports synchroniques » actuel, un « autre système potentiel » en accroissant la productivité du travail. Il crée ainsi la plus-value suivant la différence entre le système actuel et le système potentiel. Si le capital marchand produit la plus-value en créant la différence géographique, le capital industriel la produit en créant la différence temporelle. C’est cette « différenciation » qui forme le mécanisme essentiel de la transformation de l’argent en capital, ou celui de la « pulsion » de l’auto-prolifération du capital. Et cette « pulsion » n’a pas de fin : « L’accroissement de la productivité du travail crée un système potentiel dans un système actuel. Ce mécanisme permet donc de produire la différence malgré l’apparence de l’échange équivalent. Cette différence sera bientôt supprimée et un autre nouveau système de valeur sera formé.
Le capital doit donc sans cesse produire cette différence17. » La plus-value désigne la différence que la forme-valeur (système de rapports) produit suivant la « pulsion » de l’auto-prolifération du capital. Si ce qui apparaît comme un seul système produit la plus-value (différence), il existe en réalité plusieurs systèmes (par exemple, l’exploitation de la périphérie par le centre, la production de plus-value relative moyennant le développement de la technologie, etc.). Cependant, si l’on essaie de comprendre ce processus en l’hypostasiant au moyen de l’argent, la différence que produisent les rapports est dissimulée. La « philosophie »
que Karatani a déduite de Marx consiste donc en une critique de la métaphysique hypostasiant ces rapports différentiels. Elle est la philosophie de la « différence » ou de la « parallaxe » qui essaie de comprendre la production de l’apparence d’un seul système à partir des rapports entre plusieurs systèmes hétérogènes.
Karatani a ainsi trouvé plusieurs systèmes différenciés dans une structure pour ressaisir la structure à partir des rapports et des différences entre ces systèmes. En ce sens, il a essayé de dépasser la pensée structuraliste à partir de la « différence ». Cette « différence » n’est ni derridienne ni deleuzienne, mais la notion propre de Karatani qu’il appellera plus tard la « parallaxe ».
L’originalité de Marx : le centre de possibilité consiste donc à éclairer le fait que le système capitaliste n’est jamais réduit à un seul système de rapports synchroniques, mais qu’il y existe nécessairement plusieurs systèmes différenciés, ce qui peut produire l’auto-prolifération du capital.
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Karatani a ainsi éclairé le mécanisme de l’auto-prolifération du capital – qui est la « pulsion » originaire du capitalisme – comme celui de la « différenciation » ou de la « parallaxe ». Dans Transcritique publié en 2001, il appelle la « parallaxe » l’introduction de la perspective d’un tout autre système dans un système singulier18. Ce qui est intéressant dans ce livre, c’est qu’il éclaire le fait que la logique du capitalisme n’existe pas de manière autonome, mais toujours en relation avec la nation (communauté mutualiste) et l’État (expropriation et redistribution par l’État). Il appelle cette « trinité » « capital-État-nation » et écrit ainsi, en se référant à la tendance néolibérale du capitalisme actuel :
On entend souvent la prédiction que, grâce à la mondialisation
du capital, l’État-nation disparaîtra. Il est certain que
les politiques économiques intérieures de l’État-nation ne
marcheront pas aussi effectivement que dans le passé, à cause
du réseau élargissant de la dépendance économique internationale
dans les échanges extérieurs. Cependant, même si
les relations internationales sont réorganisées et intensifiées,
l’État et la nation ne disparaîtront pas. Quand les économies
nationales individuelles sont menacées par la mondialisation
du capitalisme (néolibéralisme), elles demandent la protection
(redistribution) de l’État et/ou du bloc économique,
en même temps qu'elles en appellent à l’identité culturelle
nationale. L’action contre le capital doit être aussi contre
l’État et la nation (communauté). L’État-nation capitaliste
est puissant à cause de sa trinité. La négation de l’un est finalement
absorbée dans l’anneau de la trinité par le pouvoir
des deux autres. C’est parce que chacun des trois, même
s’ils paraissent illusoires, se base sur les principes différents
de l’échange. Quand nous considérons le capitalisme, nous
devons donc toujours inclure la nation et l’État. L’action
contre le capitalisme doit être aussi contre l’État-nation19.
Le capitalisme néolibéral généralise le principe de concurrence dans la société et détruit la liaison sociale, mais l’excès de cette tendance fait revenir le principe de mutualisme (nation) et de redistribution étatique, et par conséquent protège le capitalisme. Le principe du capitalisme est ainsi puissant puisqu’il forme un ensemble avec l’État-nation. Donc « l’action
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contre le capitalisme doit être aussi contre l’État-nation ». De là, Karatani propose le principe d’« association » éthico-économique contre le capital État-nation : cette association est réalisable avec la monnaie alternative (LETS : Local Exchange Trading System, conceptualisé par Michael Linton en 1982) et la coopérative de production et de consommation. Ce qui nous intéresse, c’est que ces deux moyens sont conceptualisés d’après la philosophie de la « parallaxe » déjà esquissée dans Marx : le centre de possibilité. En premier lieu, Karatani déduit l’antinomie de l’argent de la théorie de forme-valeur dans Le Capital. D’après cette antinomie, « l’argent doit exister », puisqu’il établit, en tant que forme-équivalent, le système
de valeur des marchandises ; mais en même temps, « l’argent ne doit pas exister », puisqu’il produit, en tant que moteur du mouvement du capital, l’auto-prolifération du capital. Cette antinomie de l’argent (« parallaxe ») exige de créer l’argent alternatif qui construit les rapports sociaux, mais qui ne se transforme pas en capital, et qui ne produit pas la pulsion de l’auto-prolifération du capital20.
En second lieu, Karatani accorde de l’importance au mouvement consumériste, et non pas au mouvement ouvrier. Les travailleurs appartiennent à la « position de vendre » (M-A) en tant que vendeurs de leur force de travail, mais en même temps, ils appartiennent à la « position d’acheter » (A-M) en tant que consommateurs achetant les produits capitalistes.
La « position de vendre » est une position faible pour résister au capital, puisque les travailleurs se trouvent dans une position passive où ils vendent leur force de travail au capital et s’y trouvent assujettis. Par contre, la « position d’acheter » est une position active qui réalise la plus-value des produits capitalistes. Dans cette position active, les travailleurs peuvent résister au capital par le boycottage des produits capitalistes21. Cette vue « parallaxe » éclairant la position double du travailleur-consommateur permet la résistance au capitalisme. Karatani écrit ainsi :
Les coopératives non capitalistes ainsi que la monnaie
alternative supporteront les luttes à l’intérieur de l’économie
capitaliste. Les mouvements de « ne pas vendre la force de
travail » et de « ne pas acheter les produits capitalistes »
accéléreront la transformation de l’entreprise capitaliste en
entité coopérative. Les luttes immanentes et ex-scendantes
contre le capitalisme sont possibles seulement dans le processus
de circulation, à savoir dans le positionnement où
les travailleurs apparaissent comme consommateurs. C’est
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la seule position dans laquelle les individus ont le moment
pour devenir « sujets ». L’association se base strictement sur
la subjectivité des individus ; elle n’est possible qu’en situant
le processus de circulation à un axe22.
Les travailleurs peuvent agir, dans la position de consommateur, comme « sujets » pour résister au capital. L’association est donc un ensemble de la « subjectivité des individus ». Dans l’intensification actuelle du capitalisme mondial et néolibéral, cette idée de l’association basée sur la « subjectivité des individus » — la subjectivité désassujettie par rapport au capital — devient de plus en plus importante pour transformer le capitalisme violent en « association éthique ». La résistance au capital et la formation de l’association éthique relèvent, chez Karatani, du statut double du sujet en tant que travailleur et consommateur.
Pour conclure notre analyse de la théorie karatanienne dans son rapport avec la théorie althussérienne, nous devons reformuler notre hypothèse directrice. La question doit être maintenant renversée : comment pouvons-nous relire Althusser après Karatani ? Ce qui nous semble essentiel, c’est de relire Althusser comme penseur de la détermination en dernière instance et de l’autonomie relative de la superstructure. Autrement dit, nous devons lire Althusser sans effacer son aspect économiciste23. D’après Karatani, la structure sociale est déterminée par la construction de plusieurs systèmes économico-politiques (capital-État-nation) différenciés, et pour subvertir cette structure, le rapport parallactique au niveau économico-subjectif (position double du travailleur-consommateur) est décisif. Pour Althusser
aussi, l’analyse de la superstructure (instances politique, juridique, et idéologique) et celle de la base économique (dernière instance) constituent « deux bouts de la chaine24 » pour transformer la structure sociale. C’est exactement en ce sens que « l’heure solitaire de la dernière instance ne sonne jamais25 ».




